mardi, avril 30, 2024

Giovanni Boldini, peintre de tous les genres

Giovanni Boldini (1842-1931), portraitiste du XIXème siècle et grand nostalgique du présent, cherche à retranscrire dans ses œuvres, à l’instar de Proust et d’Helleu, la société mondaine de la Belle Epoque.

Né d’un père artiste à la peinture traditionnelle de la Renaissance (Antonio Boldini), Giovanni Boldini a très vite maîtrisé, dès son adolescence, une technique minutieuse qu’il pratique notamment sur des portraits (Autoportrait à seize ans, 1858) et qui lui vaut une place aux Beaux-Arts de Florence.

Fréquentant régulièrement Paris, il se lie d’amitié avec Degas qui introduit Boldini dans son futur milieu social de prédilection qu’est le Tout-Paris. Le peintre florentin fait alors la connaissance de nombreux artistes français renommés dont Manet dont il apprécie particulièrement les œuvres qu’il considère comme innovantes du fait de leur association d’une technique orthodoxe à un style plus iconographique. 

En 1871, Boldini s’installe définitivement à Paris et laisse de côté ses portraits pour se mettre à l’art à la mode qui séduit la bourgeoisie entrepreneuriale afin de travailler pour le marchand d’art Adolph Goupil. Il se met donc à peindre sur des petits formats des tableaux « à la Goupil » avec des personnages vêtus de costumes du siècle qui précède et des paysages de lieux français en vogue. Boldini se construit très vite une réputation de peintre paysagiste et de genre.

Conversation au café, 1879, huile sur bois, 28 x 41cm, collection particulière

Mais, peu à peu, ses peintures s’agrandissent et Boldini met de côté ses toiles étroites pour faire « quelque chose en grand, toujours en grand, [il] ne voi[t] plus que la peinture grande, cela fait un certain temps que les grandes lignes [lui] trottent dans la tête » (Lettre de Boldini à Cristiano Banti, le 8 juillet 1886). Il se remet donc à peindre des portraits, notamment ceux de la comtesse Gabrielle de Rasty, muse et amante, qui le présente à la haute société parisienne. Les femmes mondaines deviennent très vite les sujets prépondérants des toiles boldiniennes, ce qui donne à Boldini le titre du premier portraitiste à la mode, sachant qu’à cette époque, le portraitiste est une figure puissante, un médiateur social qui joue un rôle majeur sur l’image et la réputation sociale de la personne qu’il peint. Au travers de ses peintures, il essaye de véhiculer un message simple, attrayant et désirable afin d’impressionner la haute société.

Portrait de Lady Colin Campbell, née Gertrude Elizabeth Blood, 1894, huile sur toile, 184,3 x 120,2cm, Londres, National Portrait Gallery

Boldini se démarque des autres peintres de l’époque en peignant ses portraits sur des arrières-plans qui ne cherchent pas l’unité mais qui représentent, par un détail spécifique, son atelier. Sa peinture se caractérise aussi par son attrait pour les mouvements qu’il expérimente dans un premier temps en peignant des chevaux, avant d’appliquer cette extension de l’action dans le tissu des robes portées par ses modèles.

Du geste imprévu de la mondaine au mouvement du volant de la robe de la comédienne, les toiles de Boldini deviennent très vite une manifestation des tendances artistiques de toute une société.

L’effet Boldini émané par certains de ses portraits a fait plus de bruit que d’autres. Ce sont notamment le cas des portraits de Lady Colin Campbell, de Lina Cavalieri, de Consuelo Vanderbilt Duchesse de Marlborough, de Donna Franca Florio et de Robert de Montesquiou. Le point commun des ces toiles est qu’elles soutiennent toutes un raffinement aristocratique et une forte ostentation de richesse, de sexualité et de spectacle créant ainsi une dépendance mutuelle entre l’artiste et ses sujets dans l’acquisition de notoriété.

Portrait du comte Robert de Montesquiou, 1897, huile sur toile, 115,5 x 82,5cm, Paris, Musée d’Orsay

Contrairement à l’image conventionnelle de l’artiste comme figure marginale, Boldini fait pleinement partie du monde qu’il peint. L’enjeu de la dorure d’image donnée par ses portraits lui a fait devenir un artiste commercial lui-même doré

Cependant, à cette période, Boldini n’est pas considéré comme une figure importante ni dans l’histoire culturelle ni dans l’histoire de l’art. Ceci peut s’expliquer par le fait que la culture de consommation du XIXème siècle polarise les rôles de genre où la féminité est associée à la consommation de marchandises et d’affichage, mais surtout, ceci est la cause de ses portraits mondains, qui lui créditent l’image du peintre commercial de son époque n’ayant pas résisté aux tentations du kitsch.  

C’est peut-être une des raisons qui l’ont poussé à changer à plusieurs reprises de style de peinture, notamment à partir des années 1880, où il cherche à effacer dans ses tableaux, toute trace humaine qui se trouve remplacée par des objets de son atelier. Il retranscrit dans ces toiles les périodes les plus marquantes de sa carrière artistique au travers de la mise en abîme de ses tableaux favoris dans ses peintures (Intérieur de l’atelier avec la jeune Errazuriz, 1892). Boldini va jusqu’à même, au début du XXème siècle, à diluer ses couleurs au point d’arriver à une transparence qui s’incarne dans l’habit de ses modèles qui finit par remplacer leur présence (Manteau rouge sur une bergère, 1916). 

Du paysage réaliste au portrait mondain en passant par le vêtement humanisé, la pertinence de la peinture de Boldini se joue dans la création d’un langage pictural du charme sophistiqué qui mélange haute et basse société, aristocratie et subculture théâtrale comme courtisane. Par ses tableaux, la société devient un objet de curiosité et d’admiration de masse. 


Affiche exposition Giovanni Boldini

Vous pouvez retrouver toutes les informations concernant l’exposition ici.

Et pour retrouver l’article portant sur le lien de la peinture de Boldini avec la mode, c’est par .

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