Fermé le 15 juillet 2018 pour travaux de rénovation, le Palais Galliera s’est éveillé le 1er octobre dernier. Avec lui, de belles endormies sont revenues à la vie. Retour sur l’exposition tant attendue « Gabrielle Chanel. Manifeste de mode », première rétrospective dédiée à la créatrice à Paris.
Après plus de deux années de fermeture, le Palais Galliera a rouvert les portes de ses trésors. Il y a quelque chose de merveilleux qui émane de ce lieu pour tout.e passionné.e de mode. « Muse, musée, mode », tel est le fil conducteur du dernier défilé couture de la maison Chanel. En effet, le Palais Galliera est une véritable mine d’or pour celle ou celui qui est en recherche d’une impulsion créatrice. Dans la file d’attente du musée, une dame confie à son ami: « J’ai vu toutes les expositions ici. Je m’en inspire pour mes coutures. » Mais il n’y a apparemment pas que les couturiers et couturières amateur.e.s qui viennent ici pour se nourrir du passé: ce vendredi 2 juillet, jour de notre visite, nous apercevons Maria Grazia Chiuri, directrice artistique de la maison Dior, franchir les portes du Palais. Le Palais Galliera a, en fait, quelque chose qui relève du temple. Un temple de la mode. On y recherche l’inspiration, la beauté, le sacré, presque. Car les créations passées (celles de Doucet, Poiret, Lanvin, Schiaparelli ou Vionnet) imposent le respect. On leur rend hommage en ce lieu. Si le temple grec abrite les statues des divinités, le Palais Galliera, lui aussi, contient des idoles et les célèbre le temps d’une exposition.
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Et ce sont les joyaux signés Gabrielle Chanel qui ont été mis à l’honneur pour la réouverture du musée. Dans les salles sombres du Palais, les créations, éclairées par des spots fixés au plafond, apparaissent telles des reliques. Véritable pionnière de la mode moderne, inventant un style qui perdure encore aujourd’hui, les visiteurs peuvent suivre la manière dont la couturière a mené sa révolution. De ses débuts en tant que modiste, en passant par sa fameuse marinière en jersey, ses robes simples et légères offrant toute liberté de mouvement, l’influence de la période russe, aussi. L’importance accordée à la matière se ressent à travers chaque création. Les robes du soir, particulièrement, fascinent de par la noblesse de leurs tissus: soie, mousseline, velours, dentelles, … Certaines d’entre elles sont même agrémentées de broderies, pierreries ou ceinture dorée. Leur sobre raffinement fait rêver.
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Le n°5, parfum emblématique, est exposé dans une salle dédiée qui manque quelque peu de profondeur (au sens propre comme au figuré). Le flacon original est placé seul, au centre de la pièce, tandis que divers autres produits de la gamme de cosmétique sont posés au hasard dans une grande vitrine, au fond. La phrase mythique de Marilyn Monroe résonne en boucle comme un mantra. Les accessoires, tels que les bijoux ou le mythique sac 2.55, sont également présentés plus loin: il est particulièrement intéressant d’observer la fantaisie des colliers, contrastant avec la pureté des lignes des différents vêtements exposés. De même, on s’amuse à observer les parallèles (voire même la réplique exacte) entre un bijou Chanel et certains bijoux anciens (byzantins, syriens ou perses).
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Éléments centraux du légendaire style Chanel, les tailleurs, placés en rang, ressemblent à des armures. Car ce sont là les armes principales de la couturière pour mener à bien son combat contre une mode stéréotypée. Le tailleur Chanel, c’est l’équilibre, le confort, l’élégance. Mais c’est surtout la liberté et la modernité. Grandement inspiré de son homologue masculin, il représente une nouvelle idée de la féminité, bien loin du New Look de Dior qui est à son apogée à ce moment là. Et cette exposition est là pour nous le rappeler: « Gabrielle Chanel s’élève contre la mode imposée par son époque.1 »
Le manque d’explication, toutefois, à certains moments de la rétrospective, peut être déploré. Si les grandes lignes sont bien là, certains détails ont pu manquer. Les pièces sont parfois placées là, seules, comme si elles se suffisaient à elles-mêmes. On apprécie effectivement de pouvoir les observer de très près. Pour certaines d’entre elles, même, aucune vitrine ne vient faire obstacle entre le vêtement et le visiteur: on pourrait presque le toucher ! Plusieurs passionné.e.s se sont même penché.e.s et rapproché.e.s au maximum pour tenter de déceler les secrets de la technique haute couture de la créatrice. Mais n’oublions pas qu’une exposition est aussi là pour informer, analyser, détailler. Peut-être était-ce une façon de rendre hommage à la sobriété de l’allure Chanel. Peut-être que la couturière aurait elle-même voulu que la rétrospective de sa carrière soit dépouillée de toute superficialité. De la même manière, l’obscurité qui parcourt toute l’exposition, quitte à se sentir parfois quelque peu étouffé.e, serait une manière de rappeler la passion (l’obsession ?) de Chanel pour la couleur noire.
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J’avais l’âge de ce siècle nouveau: c’est donc à moi qu’il s’adressa pour son expression vestimentaire. Il fallait de la simplicité, du confort, de la netteté. Je lui offrais tout cela.
GABRIELLE CHANEL (paul morand, L’Allure de chanel, Paris, Hermann, 1976, p.43, propos cités dans l’album de l’exposition )
Gabrielle Chanel a su imposer sa propre vision de la mode tout au long de sa carrière. Et l’exposition a su montrer à quel point cette vision pouvait parfois être paradoxale: souvent, la simplicité des silhouettes contraste avec l’extrême minutie des détails techniques. La création Chanel est sobre et construite, fluide et mathématique. Mais aussi architecturale soit-elle, elle n’entrave jamais le mouvement. Elle symbolise la liberté. L’Oeuvre de Chanel a effectivement valeur de manifeste. La couturière ne se contentait pas de créer, elle combattait. « Mais c’est fou ! Cette robe, je pourrais la porter, on pourrait la retrouver dans un de nos magasins d’aujourd’hui ! », s’exclame une femme durant la visite. Et on comprend, en fait, que tout part de là. La mode moderne, c’est Gabrielle Chanel qui l’a inventée.
1 : Miren Arzalluz, « Manifeste de mode » dans l’album de l’exposition Gabrielle Chanel. Manifeste de mode, Palais Galliera, Paris Musées, 2020 p. 7
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