mardi, février 11, 2025

Le conte Chanel: Collection Métiers d’art 2020/2021 au Château de Chenonceau

Il était une fois… le château de Chenonceau vide. Autrefois théâtre de fêtes fastueuses, lieu d’idées, siège d’autorité, il trônait, solitaire, quoique fier et majestueux, dans la vallée de la Loire. Toute vie semblait y avoir disparu. Seuls les changements du ciel qui le surplombait ou les ondes de l’eau à ses pieds ravivaient de temps à autre ce tableau endormi. Peut-être qu’une ombre passait encore ici ou là, réminiscence des femmes illustres l’ayant habité jadis. Leurs âmes flottaient dans les pièces, imprégnaient toujours le mobilier. Mais la vie en restait irrémédiablement absente. Le château, seul, habitait l’espace de ses pierres froides, en souvenir d’un temps révolu

Soudain, un soir de décembre, alors que le soleil se couchait et que le paysage s’assombrissait, une certaine agitation semblait animer les galeries. Des silhouettes passaient et repassaient devant les fenêtres, mystérieusement, marchant d’un pas décidé, le regard fixé droit devant. Non, il ne s’agit pas d’une histoire de château hanté. Il s’agit bel et bien d’un conte de fées

Renaissance. En voici le titre. Renaissance du lieu, depuis si longtemps assoupi. Renaissance d’une époque, depuis longtemps oubliée. Renaissance de ces femmes, qui , tour à tour, ont habité le château, participant à son raffinement, à sa vie, à sa survie. Katherine Briçonnet, Diane de Poitiers, Catherine de Médicis, Louise de Lorraine, Louise Dupin, Simonne Menier… Toutes ont contribué à l’histoire du château de Chenonceau. Et, en ce soir de fin d’année, ces femmes semblent ressusciter. Elles sont venues nous raconter cette histoire, défilant, habitant à nouveau cet espace qu’elles ont tant de fois arpenté: « Le Château des Dames ». 

Tel est le thème du dernier défilé Chanel (Collection Métiers d’Art). Un défilé qui réveille les fantômes du passé. Mais les silhouettes, bien que vêtues de noir et de blanc, n’ont rien du fantôme. Ce sont des reines. Parfois, une pièce rappelle un temps qui n’est plus: le legging, porté sous une jupe, semble être un souvenir des premiers sous-vêtements féminins ; les collerettes ornent le haut de robes majestueuses ; des vestes reprennent certains codes du pourpoint masculin ; le hennin, cette haute coiffe du XVe siècle, habille les têtes. Les gants, broderies et superpositions de bijoux s’ajoutent à cette notion de luxe, à ce faste royal. La Renaissance est donc présente dans les vêtements, aussi. 

Le château de Chenonceau, plus qu’un décor, fusionne avec ces femmes et ces vêtements. Le sol de la galerie se dessine sur les minijupes. Des broderies fleuries font écho aux tapisseries. L’architecture du château devient sac. Bien plus, elle enserre la taille. Le château est protection, refuge, jupe ou ceinture. À travers le vêtement, la femme et le lieu ne font plus qu’un

Ce défilé est un hommage. Hommage à Chenonceau. Hommage à celles qui l’ont habité. Hommage à Gabrielle Chanel, aussi, par les symboles (le symbole de Catherine de Médicis, deux C entrelacés, se rapproche étrangement du logo de la maison Chanel ; le lion, autre symbole favori de Coco Chanel, orne les murs du château). Mais, surtout, célébration des artisans des grandes Maisons: « les paruriers de la Maison Desrues, les plumassiers de la Maison Lemarié, les chapeliers de Maison Michel, les brodeurs de la Maison Lesage et de l’Atelier Montex, les bottiers de la Maison Massaro, les orfèvres de la Maison Goossens, les gantiers de Causse Gantier ou encore les plisseurs de la Maison Lognon. » Ce défilé Chanel constitue un monde en soi. Un mélange de mode, d’Histoire et d’art. Un tableau en mouvement. Il nous conte une histoire: l’histoire du château, l’Histoire de France, l’Histoire du vêtement. Inspirées par le passé, la modernité des silhouettes n’en reste pas moins résolument tourné vers le futur. 

Une dizaine de minutes plus tard, le lieu retrouve son calme et sa solitude. Ce qui vient de se dérouler sous nos yeux a quelque chose du mirage. Du livre. Du conte de fées. Il se termine comme il a commencé: dans le silence. Mais, s’il y a une fin à ce conte, le patrimoine, l’art, la mode subsistent. Et ils seront toujours là pour nous raconter des histoires et nous faire rêver

Photo par Juergen Teller

Plus de photos et d’informations sur la collection ici.

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