dimanche, juin 15, 2025

Exposition « Couturissime » au Musée des Arts Décoratifs : immersion dans l’univers de Thierry Mugler

Après avoir sillonné les villes de Montreal, Rotterdam et Munich, c’est à Paris que s’est installée « Thierry Mugler, Couturissime », l’exposition consacrée à l’oeuvre du couturier, conçue par le Musée des beaux-arts de Montréal. Quasiment absent de la scène mode depuis le début des années 2000, c’est l’occasion de découvrir ou redécouvrir son univers singulier. Loin d’être une simple rétrospective, loin même d’une simple exposition, « Thierry Mugler, Couturissime » constitue une véritable expérience. Le visiteur est ainsi invité à mettre tous ses sens en éveil et à s’immerger pleinement dans le monde merveilleux de Thierry Mugler. 

Entrez dans l’imaginaire du couturier…

À peine a-t-on franchi les portes menant à l’exposition que l’on bascule sur une autre planète. Une planète peuplée d’insectes (Collection Les Insectes Couture Printemps-Été 1998), de sirènes (Collection Les Atlantes Printemps-Été 1989) et de superhéroïnes (Collection Hiver Buick 1989). La Chimère, création emblématique du couturier (et potentiellement l’une des robes les plus coûteuses de l’histoire), nous fait face et nous accueille dans son antre. Dès le début du parcours, le visiteur traverse une jungle mystérieuse peuplée des plus fantastiques créatures avant de plonger dans les profondeurs de l’Océan pour finir par être embarqué dans une autre dimension, digne des plus grands films de science-fonction. Des projections réalisées par différents artistes animent les thèmes de ce début de parcours. Les silhouettes exposées semblent prendre vie. Non, « Couturissime » n’est pas une simple exposition : c’est tout l’imaginaire de Thierry Mugler qui nous est présenté

Alan Strutt, Yasmin Le Bon (Londres, 1997). Collection La Chimère, haute couture automne-hiver 1997-1998. (https://madparis.fr/couturissime)

Au fil de la visite, on se rend compte que cet imaginaire parait inépuisable. Chez Mugler, la couture est un terrain d’expérimentation. Les matières sont travaillées, explorées, presque au-delà de leurs limites. Latex, vinyle, métal … tout y passe. Les bustiers inspirés de la carrosserie automobile ou les combinaisons en plexiglas transforment la femme en véritable héroïne. Chez Mugler, la femme est puissante et magistrale. Le corps est toujours central. Il donne forme à la création. Poussé au-delà de ce qui est humainement possible, le couturier l’explore et le transforme. Il l’enveloppe d’une armure en métal, il le robotise. Le corps devient machine. On atterrit dans un monde futuriste, transhumaniste. L’impressionnante Maschinenmensch (Collection Anniversaire des 20 ans, Automne-Hiver 1995-1996), inspirée du roman Metropolis (1925) de Thea Von Harbou, semble parfaitement irréelle et révèle tout le génie de Thierry Mugler. 

Patrice Stable, Emma Sjöberg lors du tournage du vidéoclip de la chanson «Too Funky», de George Michael, Paris, 1992, réalisé par Thierry Mugler. Collection Les Cow-boys, Prêt-à-porter Printemps-Été 1992. (https://madparis.fr/couturissime)

L’imagination folle du couturier se prolonge dans « Le Lab Mugler », partie consacrée au parfum Angel, créé en 1992. Au-delà de pouvoir admirer l’esthétique du flacon, pièce d’art à lui tout seul, le visiteur est invité à sentir les différentes versions du parfum et, pourquoi pas, tenter de deviner ce qui compose chacune d’entre elles. Dans cette sphère aussi, Mugler a mené sa petite révolution : Angel représente le premier parfum gourmand. Un parfum addictif, presque envoûtant. 

Thierry Mugler : artiste total et visionnaire

Thierry Mugler n’est pas qu’un couturier, c’est un artiste total. Danseur, photographe, metteur en scène, costumier, quel domaine n’a-t-il jamais touché ? À l’étage, l’exposition se place sous le signe de l’intermédialité en présentant certes les pièces Couture du créateur mais également les campagnes visuelles qu’il a imaginées, les vidéos de ses défilés ou encore une projection du clip Too Funky (chanson de George Michael) réalisé par Mugler en 1992. En 1985, ce dernier conçoit pas moins de 70 costumes et accessoires pour La Tragédie de Macbeth, mise en scène par Jean-Pierre Vincent (Comédie-Française / Festival d’Avignon). L’exposition se clôt d’ailleurs sur une oeuvre médiatique impressionnante (La dissolution de Lady Macbeth, Michel Lemieux, 2019), faisant revivre les costumes réalisés par le couturier. 

Non, Thierry Mugler n’est pas qu’un couturier, c’est un visionnaire. Il crée la « glamazone » dès les années 70 : une femme fatale, moderne, consciente de son corps. C’est lui, aussi, qui importe en Occident le concept du défilé-spectacle (inventé par Issey Miyake en 1973). Ancien danseur de l’Opéra National du Rhin (Strasbourg), le spectacle fait partie de l’ADN du couturier. Avec lui, le terme « fashion show » prend tout son sens.  Ouverts au public (la place coûtait environ 26€), certains de ses défilés créent l’événement. Le podium est une scène sur laquelle les mannequins incarnent un personnage. Les moyens employés sont dignes d’une production hollywoodienne. Le défilé se fait pièce de théâtre, opéra ou cinéma

Helmut Newton. Brigitta Bungard, Monaco, 1998, collection Lingerie, Prêt-à-porter Automne-Hiver 1988-89

À l’image de ce qui est cher à Thierry Mugler, « Couturissime » est spectaculaire. Chaque thème de l’exposition est mis en scène et s’articule pour former une sorte de grande pièce de théâtre « en plusieurs actes1 ». Dans ce spectacle, le visiteur est un personnage central : il est convié à se plonger dans la folle imagination du couturier. Les créations de ce dernier sont architecturales. Certaines d’entre elles ressemblent plus à des sculptures qu’à des pièces Couture. Et si elles ont fait leur effet durant les défilés, on comprend que leur place est aussi là, dans un musée. Car les créations de Thierry Mugler sont de véritables oeuvres d’art. Sublimissimes. Cultissimes. Vraiment Couturissimes ! 


Exposition « Thierry Mugler, Couturissime » au Musée des Arts Décoratifs de Paris – Du 30 septembre 2021 au 24 avril 2022Conception, production et itinérance par le Musée des beaux-arts de Montréal – Commissariat par Thierry-Maxime LORIOT


1 « Présentation », Thierry Mugler, Couturissime, Musée des Arts Décoratifs

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