lundi, juin 16, 2025

Pour ne plus s’ennuyer au musée…

J’aime m’amuser au musée. Une visite de musée ne devrait-elle pas être un plaisir plutôt qu’une corvée ? 

Souvent, on va au musée et on y voit un tas de jolies choses sans vraiment s’en rappeler par la suite car on essaye d’emmagasiner une multitude d’informations en une demi-journée… Je pense que rare est le cerveau de celui qui arrive à tout retenir dans un temps aussi court.  On se retrouve alors après la visite avec plein de photos de jolis tableaux qu’on ne regardera plus jamais et qui prennent de la place sur nos téléphones. 

J’aime m’amuser au musée, c’est pourquoi je souhaite vous partager mes petits conseils de visite ainsi que certaines clés de compréhension pour ressortir de votre visite moins fatigué et enrichi !

Baladez-vous, rigolez, discutez, nous ne sommes pas dans une bibliothèque ou une église. Et au bout d’un moment, si vous voyez une œuvre qui retient votre attention, arrêtez-vous devant et regardez, voyez. 

Avant de lire le cartel, devinez : l’art peut devenir un jeu. Qu’est ce qui se trouve devant vous ? Qui pourraient être ces personnages ? Comment sont-ils représentés ? 

Certains exemples…

Rococo. Fragonard. Boucher

De jolis tons pastel ? Des personnages aux joues roses dans un décor pastoral ? Des nus à la peau laiteuse dans des positions parfois suggestives ? Nous sommes sûrement devant une peinture rococo. 

Le rococo traduit l’oisiveté, et le bonheur de vivre des aristocrates. C’est pourquoi nous avons de jolies scènes pastorales. On remarque aussi souvent l’érotisme des poses suggestives des modèles. Le XVIIIe siècle est marqué par ce style de représentation, un siècle où le libertinage apparaît dans l’aristocratie, en opposition à la peinture populaire dans la bourgeoisie, plus sobre, des natures mortes ou des scènes de genre. Cette oisiveté et ce libertinage est très critiqué au XVIIIe siècle par les penseurs et sera condamné par les révolutionnaires. 

Jean-Honoré Fragonard. Les hasards heureux de l’escarpolette. Entre 1767 et 1769. Wallace collection, Londres. 

Cette jeune femme se balance sur une balançoire, la robe au vent sans se soucier de ce que peut voir son compagnon en contrebas. Ils sont dans un joli décor champêtre. Notez les jolis tons pastel que choisit Fragonard pour sa composition. Notez également le titre, qui illustre parfaitement l’état d’esprit du siècle : oisiveté et libertinage. 

François Boucher. L’odalisque Brune. 1745. Musée du Louvre, Paris. 

Mme O’Murphy est représentée ici dans une pose tout à fait suggestive. Les tons bleus utilisés par Boucher pour le tissu contrastent parfaitement avec la peau laiteuse de son postérieur offert au spectateur. Représenter une figure contemporaine de la sorte fait bien évidemment scandale, on peut parler de la pornographie de l’époque.

Baroque. Caravage. Rubens.

Des couleurs vives, chaudes ? Des clairs-obscurs et des forts jeux de lumière qui mettent en avant la forte musculature des hommes ? Des femmes bien en chair ? Des personnages dont le visage est marqué par les sentiments ? Une forte action dans le choix de représentation ? Nous avons en face de nous, sans doute, une peinture baroque. 

Le style baroque apparaît en Italie et est encouragé par l’Église qui considère que cette manière théâtrale de représenter des scènes religieuses encourage les fidèles. Il est aussi apprécié des puissants, car il permet d’impressionner leurs visiteurs. C’est un style qui a un rôle politique. Au XVIe siècle, plus que jamais, l’art est synonyme de puissance. Les commanditaires veulent des œuvres pour impressionner leurs rivaux : plus on a d’œuvres d’art, plus on a d’argent et donc, de puissance. 

Le Caravage. Judith et Holopherne. Entre 1599 et 1602. Palais Barberini, Rome. 

Observez la scène. Nous devinons que nous sommes à un moment crucial de l’Histoire : une décapitation. Grâce au jeu de lumière clair-obscur, Caravage met en exergue la musculature d’Holopherne et l’expression sévère de Judith. 

Le saviez-vous ? Le Caravage aurait assisté à l’exécution par décapitation de Beatrice Cenci, surnommée La Belle Parricide. La vision de cette scène l’aurait inspiré pour ses scènes de décapitation. 

Le débarquement de la reine à Marseille, le 3 novembre 1600. Pierre Paul Rubens entre 1622 et 1625, Galerie Médicis au musée du Louvre, Paris. 

La reine Marie de Médicis commande à Rubens ce travail extraordinaire, 21 toiles de 4 mètres de hauteur, pour décorer le Palais du Luxembourg qu’elle se fait construire à Paris sur le modèle du Palazzo Pitti à Florence, sa ville natale. Le cycle de Marie de Médicis représente les moments clés de la vie de la reine. Dans cette toile, nous témoignons de son arrivée à Marseille, en direction de la France où elle ira retrouver son époux Henri IV. La commande gargantuesque de Marie de Médicis témoigne parfaitement de l’idéologie baroque : pouvoir illustrer sa puissance, sa famille, les Médicis maîtrisant parfaitement ce domaine. Le tableau mêle mythologique, biblique et allégorique. La reine descend d’une galère aux couleurs des Médicis vers la terre des fleurs de Lys. Elle est annoncée par un ange aux trompettes. En contrebas, Neptune, des tritons et les Néréides. 

Romantisme. Friedrich. Gericault. 

Des personnages de dos, face à l’immensité de la nature, paraissant impuissants devant l’immensité qu’elle représente ? Un paysage mystique traduisant la toute-puissance de la nature, comme muée par le divin ? 

Le romantisme n’est qu’un des nombreux mouvements qui cohabitent au XIXe siècle. Il se traduit chez les auteurs et peintres de l’époque principalement par un mysticisme, beaucoup de fantastique. Comme un sentiment d’introspection et de questionnement du monde qui les entoure, la toute-puissance, l’aspect sublime de la nature liée au Divin. On a une insistance, dans le paysage, sur la météo. Les tempêtes et ouragans, les vagues, les forêts, les incendies sont à l’honneur.

Le voyageur contemplant une mer de nuages, Caspar David Friedrich, vers 1818, Kunsthalle, Hambourg. 

Friedrich cherche à montrer la dimension divine de la nature à travers ses paysages. Le vrai protagoniste de la scène n’est pas le personnage de dos, anonyme mais bien le décor dans lequel il se trouve. Grâce à son personnage de dos, il nous projette dans l’œuvre, nous pouvons nous mettre à la place du voyageur, impressionné par l’immensité qui se trouve devant nous. Ce tableau invite à la méditation et la contemplation. 

Le radeau de la Méduse, Théodore Géricault, 1819, musée du Louvre, Paris. 

Géricault avec son chef d’œuvre immense nous offre un véritable manifeste romantique. L’œuvre est inspirée d’un fait divers, le naufrage d’une frégate laissant uniquement une poignée de survivants contraints de voguer sur un radeau, pris par la soif et la faim. La composition est pyramidale. Gericault, fasciné par la mort et les maladies dépeint les malheureux n’ayant pas survécu au bas de la pyramide. Le ciel orangé en haut de la pyramide de naufragés renforce ce sentiment d’espoir des derniers matelots survivants nous donnant une impression de jour nouveau se levant. Nous voyons encore les hommes impuissants face à la puissance de la nature. 

Médiéval. 

Des peintures religieuses sur des supports de bois ? Beaucoup de dorures ? Des personnages opérant une certaine sobriété et pudeur ? Une perspective assez absente, remplacée par des fonds dorés ou unis ? Des personnages plus petits que d’autres sans raison apparente ? On a à faire à des retables médiévaux européens. 

A l’époque médiévale, beaucoup de styles se succèdent en Europe. Nous ne pouvons pas parler à proprement parler du style médiéval, mais les peintures de l’époque sont principalement des tableaux d’autel, c’est-à-dire destinés aux églises. C’est pourquoi nous avons des scènes religieuses très sobres. La perspective, avant le XVe siècle, n’a pas encore été théorisée : les scènes peuvent nous paraitre assez simples. C’est en réalité une autre manière de peindre : nous avons des personnages sur le même plan, et plus ils sont grands, plus ils sont importants, tout simplement (s’ils ont une auréole ce sont des personnages bibliques, s’ils n’en ont pas, ils sont souvent plus petits, ce seront alors des commanditaires, des seigneurs, voulant avoir leur place aux cotés des saints personnages).

Maestà, Cimabue, 1280, Musée du Louvre, Paris

Le groupe central est une Vierge à l’Enfant. Ils posent entourés d’anges devant un fond doré. On a à faire à une Maestà, soit Vierge en majesté, en trône. Le Christ n’a pas une gestuelle ni un visage de bébé, c’est caractéristique de l’époque médiévale. Plusieurs théories peuvent expliquer ça : soit un manque de bébés modèles, soit un choix de représenter le Christ comme un homme miniature plutôt que comme un bébé, … On remarque que les anges sont plus petits que la Vierge, ils ne sont pas plus jeunes qu’elle mais juste moins importants !

Retable de Tempelhof, Jost Haller, entre 1445 et 1450, Musée Unterlinden, Colmar.

Sur cette œuvre nous avons deux scènes distinctes : Saint-Jean Baptiste présentant le Christ aux fidèles, et le combat de Saint-Georges contre le dragon. Un procédé narratif peu exceptionnel au Moyen-Age : deux scènes distinctes au sein d’une même composition. On retrouve les personnages tous sur le même plan et la richesse des dorures et couleurs. Observez : on remarque une certaine symétrie au sein de l’œuvre, dont l’axe serait le rocher au centre. On remarque également la dynamique de la composition, dictée par le doigt de Saint Jean-Baptiste, pointé vers le Christ. Le ciel renforce cette dynamique, grâce à son éclaircissement d’ouest en est, comme un sentiment d’espoir… 

Grâce à ces petites astuces pour reconnaitre ces mouvements, vous avez déjà certaines clés en main pour comprendre une bonne partie des œuvres de musées comme le Louvre par exemple. Bien évidemment il serait impossible d’aborder tous les différents mouvements artistiques dans un seul et même article, c’est pourquoi je vous laisse pour le moment avec ces quelques pages de lectures en attendant une éventuelle suite ! 


Pour aller plus loin : 

  • E.H. GOMBRICH, Histoire de l’art, Phaidon, 2001 : ouvrage général sur l’Histoire de l’art.
  • La collection HAZAN sur « Comment … » : très intéressant et permet de cibler un sujet. C’est comme des petites encyclopédies concentrées sur un sujet.

1 COMMENTAIRE

  1. Super article, c’était un réel plaisir de parcourir ces différentes époques ! J’aime particulièrement les œuvres de Caravage… tellement sombres, violentes, puissantes ! Tout ce que j’aime.

    La lecture fut très agréable en tout cas, merci !! 🥰

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